C'est le deuxième effet du Brexit... Depuis deux jours, les
gels de retrait des fonds investis dans l'immobilier britannique se multiplient
comme des petits pains. Après Aviva, M&G et Standard Life, trois nouveaux
fonds (Henderson, Canada Life, et Columbia Threadneedle), au moins, viennent de
prendre cette décision, symbole d'un vrai malaise sur les marchés.
En deux jours, l'indice Stoxx Europe 600 a perdu 3,37 % et
l'Euro Stoxx 50 3,55 %. Car, ces gels de fonds ont un air de déjà vu. « Les prémices
de la grande crise de 2008 ont démarré à l'été 2007 avec le gel de fonds
monétaires dynamiques, la comparaison n'a pas tardé », souligne Tangi Le Liboux
chez Aurel BGC. Ici, le gel concerne l'immobilier. « C'est une bonne cible pour
ceux qui pensent que le Brexit aura des conséquences importantes » , estime
Frédéric Rollin chez Pictet AM, car « le risque de Brexit trouble le long terme
et donc crée de l'incertitude sur les actifs comme l'immobilier. »
Chute des valeurs immobilières
Mais les marchés ont-ils vraiment raison de crier au
loup ? Pour Tangi Le Liboux, la
situation n'est pas vraiment comparable à celle de 2007 : « un fonds monétaire
est censé offrir une forte liquidité, contrairement à un fonds immobilier, qui
a besoin de temps pour vendre les actifs réels qu'il détient ». Par ailleurs,
ces fonds sont investis surtout dans de l'immobilier commercial, secteur
sensible au ralentissement de la croissance britannique. La désaffection répond
donc à une certaine logique. D'ailleurs, l'immobilier est l'un des secteurs les
plus attaqués en Bourse depuis l'annonce du Brexit. L'indice Ftse 350 Real
Estate a perdu 21,8 % de sa valeur en moins de deux semaines.
Malgré tout, ces fonds disposaient d'une part de cash
comprise entre 7,7 % et 13,1 %. Leur gel démontre l'ampleur des demandes de
rachat et les doutes qui accompagnent le secteur immobilier au Royaume-Uni.
Certains parient sur une chute des prix de 20 %. Pour Frédéric Rollin,
«beaucoup d'investisseurs ont investi via ces fonds et ils vont avoir beaucoup
de mal à en sortir. Pour cela, il faudra que les fonds vendent des actifs, ce
qui va créer une pression sur les prix. Par ailleurs, ces fonds ont attiré
beaucoup d'investisseurs étrangers et le risque est que l'argent se retire ».
La fuite des capitaux, qui pèse sur la livre, ne fait peut-être que commencer.
Pour la Société Générale, ce gel est le « signal concret des troubles plus
profonds qui nous attendent, lorsque les prophéties auto-réalisatrice sont
potentiellement à l'horizon »...
Risque récessif
Il ne doit donc pas être pris à la légère, même si la crise
immobilière pourrait être cantonnée au grand Londres. L'économiste Jean-Paul
Betbeze rappelle que « les pires crises sont les crises de l'immobilier. Car
l'immobilier crée des bulles et c'est le cas de Londres. Il y a eu une
explosion des prix immobiliers ces dernières années et c'est en train de se
retourner. Certes, c'est une crise qui concerne plus Londres que la Grande
Bretagne. Mais Londres pèse 11 à 12 % du PIB du Royaume Uni et cela sera
suffisant pour que le pays entre en récession ». La Banque d'Angleterre a
d'ailleurs averti que des risques pour la stabilité financière avaient «
commencé à se manifester . »
Le risque italien
Les banques sont une nouvelle fois en première ligne, même
si « les grandes banques ont significativement réduit leur expositions au
crédit dans ce secteur », selon James Invine à la Société Générale. Depuis
2008, les dettes accordées à l'immobilier commercial ont fondu de 34 %. Pour
l'analyste, si RBS est le gros acteur le plus exposé, en revanche, « il
apparaît que les autres prêteurs, plus petits, ont pris plus de risque ». Or
tout le monde a encore en tête la faillite de Northern Rock en février 2008, lors
des subprimes.
Cet effet domino potentiel pousse donc les investisseurs à
la prudence, d'autant plus que les banques italiennes sont aussi sous pression
en raison d'un manque criant de capitaux propres. C'est aussi un enjeu pour
l'Union européenne, pour Frédéric Rollin : «Que va décider l'Union européenne
par rapport au gouvernement italien qui veut recapitaliser ses banques ?
L'Union européenne sera-t-elle capable de se mettre d'accord sur ce problème »,
alors que l'Allemagne regimbe ? Pour autant, pour Frédéric Rollin, « la
probabilité d'un risque systémique est réduite par les actions de la BCE ».
Malgré tout, les investisseurs continuent de se ruer sur les
actifs refuges . L'or est au plus haut depuis deux ans, à 1.365 dollars l'once,
le rendement du taux à 10 ans allemand est tombé à - 0,186% en séance, alors
que le 10 ans français se rapproche à son tour de 0 ( +0,13 %). Une bonne nouvelle peut-être pour l'Etat,
mais pas pour les épargnants.
@pierrickfay
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