La maison de
demain sera autonome et intelligente, mais devra aussi être plus économe en
place, en énergie et en ressources. Pour un coût moins élevé...
L'image fait
sourire : «Pensez-vous qu’en l’an 2000 votre façon de vivre sera encore
modifiée par de nouveaux progrès de la technique ?»,
s’interrogeait-on en 1968 dans un reportage sur ce qu’on appelait les arts
ménagers. On imaginait alors la maison du futur, dans laquelle un ordinateur
central commandait tout : «Vous appuyez sur un bouton, vos volets s’ouvrent.
Vous pouvez même allumer la télé sans bouger de votre canapé», s’étonnait
une ménagère, impressionnée par ces promesses. Un écran au mur de la
cuisine indique ce qu’il faut manger selon ses besoins caloriques, et les
factures arrivent directement sur l’ordinateur «de monsieur, bien sûr».
Aujourd’hui, certaines de ces technologies sont déjà là, d’autres arriveront
bientôt. L’informatique, les énergies propres et Internet ne changent pas seulement
notre vie, ils changent aussi notre habitat. En 2050, 75 % de la population
mondiale vivra en ville. Face à l’explosion de la consommation et à la
raréfaction des ressources, il faudra rendre nos maisons plus respectueuses de
l’environnement : les bâtiments d’habitation consomment 30 % de l’énergie
mondiale (42,5 % en France, où ils dégagent 90 millions de tonnes de CO2 par
an). L’habitat va devoir évoluer et, s’il doit être plus intelligent et plus
fonctionnel, il devra aussi être plus malin et plus propre. Un immense défi.
Depuis une
dizaine d’années, le grand concept censé nous changer la vie est la
domotique. Il y a longtemps déjà que la porte du garage s’ouvre avec une
télécommande. Désormais, la totalité des marques high-tech imaginent des
solutions pour mettre en lien les fameux «objets connectés», capables de
«penser» et d'organiser la maison autour de vos besoins. Google s’est ainsi
offert l’année dernière Nest , un spécialiste du
secteur pour 3,2 milliards de dollars. Ses sèche-linge deviennent
automatiquement silencieux lorsque la maison est occupée et son thermostat
intelligent est censé faire baisser la facture de chauffage de 15 à 20 %. Ses
alarmes antifeu indiquent même à voix haute la présence de monoxyde de
carbone et vous préviennent sur votre portable. A l’IFA 2014 de Berlin, le
salon de l’électronique grand public, on a pu voir des miroirs connectés pour
essayer virtuellement un maquillage. A terme, le miroir de votre salle de bains
sera doté d’une reconnaissance faciale, et ses commandes tactile et vocale
vous permettront d’avoir accès à votre agenda et à plein d’autres
informations, telles la météo ou votre traitement médical.
Après SFR
ou Orange, même La Poste se lance sur le marché de la maison connectée,
grâce à un partenariat avec Archos : elle propose
différents objets (caméra, détecteur de fumée, prise, etc.) et une tablette
pour contrôler le tout, y compris les appareils d’autres fabricants. Pour
Xavier Bonnaud, directeur du cabinet de conseil Vertical Innovation (associé
avec Schneider Electric sur le concours OpenInnovation de projets pour
l’habitat du futur), c’est l’une des tendances de fond. «On voit arriver un
flot de solutions pour tout faire communiquer ensemble. Un standard est en
train de se mettre en place pour que tout converge.» La maison devra être
intelligente pour s’adapter à nos besoins sans qu’on ait besoin de lui
demander quoi que ce soit : le frigo commandera sur Internet les produits
manquants grâce à des puces RFID insérées dans les emballages, le four
s’éteindra de lui-même quand le plat sera cuit, et la lumière se mettra en
mode «dîner». Une fois le repas terminé, le chauffage des chambres occupées
(la maison sait qui est présent ou pas) augmentera. «Et les prix baissent
déjà», confirme Xavier Bonnaud. Pour l’instant, ces appareils sont encore
chers. «Mais demain, tout le monde pourra s’offrir ces équipements», prédit
l’expert.
D’ailleurs,
la valeur ne sera pas tant dans les objets que dans les informations que vous
leur donnerez. «Le déploiement de gadgets n’est pas le plus important.
L’essentiel, c’est prendre l’information qui existe», explique Norbert Noury,
professeur à l’université de Lyon et spécialiste des capteurs et systèmes
intelligents dans le domaine de la santé. «Si on a le moyen de savoir qu’une
personne a appuyé sur un interrupteur, il faut que cette information serve à
quelque chose.» Ainsi, une balance ou une montre connectées calculent déjà
votre rythme cardiaque ou vos besoins en calories. Mais ces données pourraient
être exploitées plus globalement pour mieux prévenir les problèmes de
santé. «Si on observe qu’une personne âgée se déplace moins chez elle, on
peut en déduire qu’elle va moins bien, insiste Norbert Noury. De même, si on
détecte des tâches commencées sans être finies, on peut soupçonner des
symptômes de la maladie d’Alzheimer.»
Outre la
santé, ces données pourront aussi nous aider à être moins gourmands en énergie,
l’un des grands défis du siècle à venir. L’Europe impose ainsi qu’en 2020
toutes les habitations produisent autant d’énergie qu’elles en consomment. Le
solaire est privilégié à l’heure actuelle, notamment par l’intermédiaire
des filtres récepteurs à coller sur les fenêtres. Des éoliennes adaptées
aux balcons font aussi leur apparition. Il sera même possible de produire de
l’énergie avec nos pas grâce à des capteurs intégrés au plancher. Plus
besoin d’abonnement EDF, la maison sera bientôt capable de s’autoalimenter. Et
pour moins consommer, aux Pays-Bas, des ingénieurs proposent de faire les deux
avec le projet The Skin, une seconde peau qui isole un bâtiment ancien sans
lui faire perdre son identité. Reste qu’il faudra sans doute attendre bien
après 2050 pour abandonner la brique et le parpaing, malgré les piètres
performances énergétiques de ce dernier. En effet, 70% des logements qui
seront occupés à cette date sont déjà construits. Le béton cellulaire,
moins poreux, couplé à des vitres capables de changer de teinte selon
l’ensoleillement pour garder une température constante, en est sans doute le
successeur, mais la silice est la voie la plus prometteuse. Ses vertus
isolantes sont supérieures à celles de tous les matériaux actuellement
existants.
Reste la
question du manque de place. Difficile ainsi de développer le concept de
maisons qui tournent pour s’adapter à la course du soleil. On verra plutôt
des logements équipés de panneaux pivotants. Et dans les centres villes, on
devra construire en hauteur. A Paris, rien que sur douze rues, des architectes
ont ainsi calculé qu’on pouvait gagner 450 000 m2 en surélevant
certains immeubles. Autre solution : utiliser la profondeur des océans avec
des maisons dont la partie habitation flottera sur l’eau, et la partie
immergée servira à traiter les eaux usées ou à produire de l’électricité.
La technologie, mise au point par des Japonais, devrait arriver d’ici une
quinzaine d’années, mais le budget (25 milliards de dollars pour la première
maison) reste astronomique. Science-fiction, peut-être. Et pourtant : même
les robots n’en sont plus. Luna, celui qui peut sortir les poubelles ou
promener votre chien, pourrait être commercialisé cette année. Et vous
n’aurez même plus à lui donner d’ordres : la maison le fera pour vous.
FRIGO Plus besoin de le remplir, il
commande lui-même sur Internet les produits manquants. Il veille aux dates
limites et suggère des recettes avec les ingrédients stockés.
MIROIR Après vous avoir reconnu, il
diffusera votre musique préférée. Il peut aussi vous dévoiler votre agenda,
la météo et la posologie de vos médicaments.
PORTE
D’ENTRÉE Elle
vous enverra un message lorsque la clé des enfants s’approchera de la
serrure... et alertera la police si quelqu’un tente de la forcer.
MURS L’isolation totale est assurée par
des nanogels de silice. Fins et très légers, ceux-ci sont super-résistants et
applicables aussi sur les vitres.
FENÊTRES Elles sont des écrans
tactiles qui font office de stores, et peuvent servir de panneau de contrôle
ou de télévision. Et les vitres sont autonettoyantes...
PLANCHER
CINÉTIQUE Il
produit du courant quand on marche dessus. La technologie existe déjà dans
certaines villes, et sert à éclairer des lampadaires à LED.
PAPIER PEINT C’est un tissu de nanoparticules
qui couvre les murs : il permet de moduler l’éclairage et l’ambiance à
volonté et assure l’isolation phonique.
LI-FI Une connexion trente fois plus
rapide que le Wi-Fi. Le principe : faire transiter les informations par les
ondes lumineuses des LED qui éclairent le logement.
CAPTEURS Microscopiques, ils s’intègrent
partout (murs, charpente, jardin...) pour vous aider à détecter les risques :
fuite de gaz, termites, intrusion...
PANNEAUX
SOLAIRES Ils
permettent à la maison de s’auto-alimenter, avec l’aide de pompes qui
récupèrent la chaleur dans l’air ou la terre.
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